Histoire d‘une bouteille
Ma première rencontre avec l‘absinthe fut au début des années 1980, mais rien à voir avec le breuvage mystérieux. J‘avais 13 ans, j‘étais au lycée et avec les filles nous organisions des boums, ce que l‘on appellerait „party“ aujourd’hui. Nous buvions des boissons sans alcool et nous écoutions de la musique sur laquelle nous dansions. Je n‘avais absolument aucun intérêt pour les boissons alcooliques. Mes matières préférées à l‘école étaient l‘art, la littérature et la poésie. C‘est une musique lancinante de 1973 composée par Serge Gainsbourg qui éveilla mon intérêt pour l‘absinthe. Le titre de cette musique était „variation sur Marilou“. En fait c’était plutôt un poème. C’était ce genre de musique qui m‘intéressait quand j‘avais 13 ans et c‘est toujours ce genre de musique qui m‘intéresse aujourd’hui. Dès les premières paroles le compositeur parle de Marilou qui avait l‘iris absinthe. C‘était la première fois que j‘entendais ce mot magique et je n‘avais aucune idée de sa signification et encore moins de sa couleur. Alors quelle était la couleur des yeux de Marilou ? Couleur absinthe !
Quelle était cette étrange couleur inconnue ? Je n’avais jamais entendu parlé de cette couleur. Cela éveilla d’autant plus mon intérêt pour la couleur des yeux de Marilou. Si le compositeur avait parlé des yeux de son amoureuse , couleur menthe à l’eau j’aurai de suite compris. Mais là le mystère éveilla d’autant plus ma curiosité. Dans sa chanson le compositeur prononça huit fois le mot magique « Absinthe ». J’avais complètement oublié Marilou, seul ce mot « Absinthe » résonna en moi et ne tomba jamais dans l’oubli. Plus de sept années s’étaient écoulées sans que j’entende une seul fois ce mot mystérieux, interdit. Quelques années plus tard alors que je devais avoir environ vingt ans, probablement en 1988, le mot magique refit son apparition. Je me trouvais, par hasard, dans la boutique d’un antiquaire. Une cuillère à l’apparence bizarre attira mon intention. Celle ci était perforée et je me demandai pourquoi ? Ne sachant que faire de cette cuillère, je la portai à mes yeux pour l’utiliser comme une paire de lunette en regardant à travers les trous.
L’antiquaire aperçut mon geste maladroit et me voyant désarmé, ne sachant que faire de cet objet mystérieux, il me proposa son aide bienveillante. C’est une cuillère à « Absinthe » me dit-il ! Le mot magique refit, alors, son apparition et réveilla mes souvenirs passés avec Marilou ...iris « Absinthe ». Je ne comprenais plus rien car jusqu’à présent je pensais que l’absinthe était la couleur d’iris de Marilou et ne voyais pas le rapport avec une cuillère perforée. L’antiquaire, un homme âgé, me captiva en me racontant l’histoire mystérieuse de ce breuvage sulfureux, interdit. Enfin je pu découvrir la couleur des yeux de Marilou, sans pour autant gouter cet élixir car celui-ci m’était encore interdit. Ce fut dans les années 1990 que ce breuvage fit progressivement son apparition dans ma vie et que je trempai mes lèvres pour me délecter de son goût merveilleux. Fin des années 1990, Google me permit de taper mon premier mot magique dans ce moteur de recherche. Deviner quel fut ce mot ? Oui parfaitement ! Absinthe … Depuis ma passion, n’a cessé de grandir: J’ai pu faire des recherches en Suisse et en France, dans les musées, dans les distilleries, en côtoyant les anciens ainsi que les écrivains de l’absinthe. Actuellement je vis à Berlin en Allemagne où je partage ma vision contemporaine de l’absinthe car je ne veux pas écrire ou réécrire l’histoire d’une bouteille, ce que d’autres précurseurs ont déjà fait avant moi…
Martial Philippi
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